La toxicité du mercure est connue depuis l’Antiquité. Elle est déjà évoquée par Pline l’Ancien au 1er siècle de notre ère. A cette époque, les Romains exploitaient les mines de Cinabre (minerai dont on tire le Mercure) d’Almaden en Espagne, pour la confection de pigments et de produits cosmétiques. Mais l’atmosphère était si délétère que les mineurs résistaient à peine 2 ou 3 ans.
En raison de ses multiples utilisations
le mercure a été à l’origine de nombreuses intoxications aiguës, subaiguës ou chroniques. L’expression « travailler du chapeau » illustrait la folie des chapeliers qui utilisaient le mercure (nitrate mercurique) dans le procédé de secrétage qui permettait de feutrer les peaux. D’où le "mad hatter" (chapelier fou) d’Alice au pays des merveilles.
La catastrophe sanitaire de Minamata au Japon dans les années 50 a fait découvrir au monde entier la redoutable toxicité du mercure, notamment pour le fœtus. Les villageois s’intoxiquaient en consommant des poissons contaminés par du méthylmercure, dont l’origine était une pollution industrielle. Plusieurs intoxications collectives résultant de la consommation de semences traitées avec des organomercuriels ont eu lieu dans la 2ème moitié du 20ème siècle, comme en Irak dans les années 70. Et bien sûr, l’utilisation de mercure dans de nombreux médicaments a été à l’origine de nombreuses maladies iatrogènes. Le calomel (chlorure mercureux), utilisé dans le traitement de la syphilis et de la fièvre puerpérale, a abrégé bien des souffrances. De ces utilisations, il reste surtout celle de l’éthylmercure (thiomersal) dans certains vaccins (vaccins antigrippaux) et du mercure métallique dans les amalgames dentaires.
L’intoxication au mercure s’appelle l’hydrargyrisme. Elle recouvre des troubles et maladies neurologiques et est inscrite en France au tableau des maladies professionnelles depuis 1919.
En savoir plus Le mercure existe sous diverses formes (mercure élémentaire Hg°, mercure inorganique : cation mercureux Hg+ et cation mercurique Hg2+, et mercure organique : cation méthylmercure CH3Hg+ par exemple) aux propriétés différentes. Les amalgames contiennent du mercure élémentaire, qui est libéré dans l’atmosphère buccale sous forme de vapeurs, dans la salive sous forme d’ions (mercure inorganique) dont une petite partie peut être méthylée et donner du méthylmercure (mercure organique).
Le mercure élémentaire est toxique pour le système nerveux (neurotoxicité), pour le système immunitaire (immunotoxicité), pour le système reproducteur (reprotoxicité) et le fœtus (fœtotoxicité), pour le génome (génotoxicité), pour le système endocrinien … C’est un toxique bioaccumulable : il s’accumule dans les organes, notamment dans le système nerveux central, au cours de la vie. Il se concentre tout au long de la chaîne alimentaire (phénomène de bioamplification) : il suffit qu’une petite quantité de mercure se trouve dans les boues d’un lac ou d’un océan pour que les gros poissons prédateurs se trouvent grandement contaminés. Une fois émis dans l’écosystème aquatique, il s’y accumule donc sous forme organique : c’est un polluant organique persistant.
En raison de cette grande toxicité, le mercure doit être chassé à court terme de toutes ses utilisations industrielles (filière du chlore, piles et batteries, médicaments…) sauf de l’industrie des lampes basse consommation, de la fabrication de certains vaccins (de moins en moins nombreux à contenir du mercure) et bien sûr des soins dentaires (à l’exception notable des pays scandinaves qui ont interdit les amalgames, mais aussi du Japon qui ne les a pas interdits mais qui les utilise très peu).
Principales formes chimiques du mercure et propriétés physico-chimiques
Le mercure est un métal aux propriétés exceptionnelles, classé historiquement, avec le plomb et le cadmium, parmi les métaux lourds.
Cet élément fait partie du groupe II B dans la classification périodique des éléments ; Pearson le classe dans la catégorie des acides mous (Picot et Proust, 1995, 1998) : il a donc une grande affinité pour une base molle comme le soufre.
En savoir plus
Absorption, métabolisation et excrétion du mercure
En savoir plus Les vapeurs de mercure (mercure métallique) sont absorbées à 80% au niveau des poumons. Le mercure traverse facilement la barrière hémato-encéphalique et se retrouve dans le cerveau où il est oxydé en ions mercuriques, très peu diffusibles : le mercure est alors piégé dans le tissu cérébral où il s’accumule (Friberg et Mottet, 1989 ; Kuschinski et Lüllmann, 1989) et provoque des perturbations visibles à l’IRM (Tibling et coll., 1995).
Le mercure s’accumule aussi dans les autres organes ; dans les cellules, il est oxydé en ions mercuriques.
Le mercure métallique franchit le placenta et imprègne les organes de l’embryon puis du fœtus.
Les cations mercuriques ingérés sont faiblement absorbés au niveau intestinal. Ils sont ensuite transportés à part égale dans le plasma (complexés avec l’albumine) et dans les hématies (après liaison avec l’hémoglobine et le glutathion) (Alesio et coll., 1993).
Etant donné l’affinité des ions mercuriques pour les protéines soufrées, ils ne peuvent traverser facilement la barrière hémato-encéphalique et la barrière placentaire (Swenson et Ulfarson, 1968). Ils s’accumulent dans les organes, particulièrement le foie et les reins.
Cependant une faible partie de ces ions est réduite en mercure métallique qui pourra alors franchir les barrières hémato-encéphalique et placentaire (Ohnesorge, 1982 et 1992).
Les cations méthylmercure traversent aisément (à 90%) la paroi intestinale. 90% de ces cations sont transportés à l’intérieur des hématies, fixés aux fonctions thiol de l’hémoglobine (Clarkson, 1971 ; Halbach, 1990 ; Berlin, 1986 ; White et Rothstein, 1993).
Une partie du cation méthylmercure traverse la barrière hémato-encéphalique, par transport actif, après liaison avec la fonction thiolate du glutathion (Kerper, Ballatori et Clarkson, 1992).
Mais la plus grande partie suit un cycle entéro-hépatique : le foie excrète le cation méthylmercure par la bile, puis celui-ci est réabsorbé à 80% au niveau intestinal.
Très lipophile, le cation méthylmercure traverse facilement la barrière placentaire puis s’accumule dans les organes fœtaux.
Une partie subit une déméthylation, donnant des ions mercuriques (OMS, Healthcriteria n°101,1990).
Schéma
absorption et métabolisation des différentes formes de mercure
Le Mercure, un redoutable toxique
Mode d’action du mercure sur la cellule
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L’activité cytotoxique du mercure est liée à sa grande affinité pour le soufre, entraînant le blocage des fonctions thiol (-S-H) des protéines (modifiant ainsi leur structure tertiaire et quaternaire), des peptides (glutathion) ou des acides aminés soufrés (cystéine). Les protéines ainsi inactivées peuvent être des enzymes, des protéines des membranes cellulaires (notamment des récepteurs d’hormones et de neuromédiateurs), des protéines membranaires des organites cellulaires (mitochondries, lysosomes…), des protéines membranaires impliquées dans les transports ioniques (ATPase Na-K, canaux calciques) ou encore la tubuline et la myéline, ce qui provoque de graves perturbations dans la conduction de l’influx nerveux.
Toxicité du mercure
Quelques exemples d’intoxication mercurielle
Etant donné les multiples utilisations du mercure depuis l’essor industriel (industrie du chlore, industrie électronique, instrumentation, piles, amalgames dentaires, catalyseurs, pigments, fongicides utilisés pour la pâte à papier et les peintures, industrie pharmaceutique, onguents utilisés dans le blanchiment de la peau…), les intoxications mercurielles ne furent pas rares et n’appartiennent hélas pas au passé (Lamure et Brusset, 1962). Ces intoxications peuvent être environnementales, médicamenteuses, domestiques ou professionnelles.
Voir schéma des
sources de pollution mercurielle
PRECAUTIONS A PRENDRE SI DU MERCURE A ETE REPANDU
Instruments pouvant contenir du mercure (métal gris argenté et liquide) : thermomètres médicaux, autres thermomètres, baromètres à colonne de mercure, tensiomètres etc.
Remarque : le mercure métal émet des vapeurs dès 0°C ; l’émission de vapeurs augmente avec la température ; ces vapeurs sont inodores, sans saveur, et incolores même à concentration mortelle.
Marche à suivre :
- Repérer tout le mercure répandu, même en toute petite quantité.
- Ne pas utiliser l’aspirateur domestique sous peine de le polluer, ainsi que toute la maison lors d’utilisations ultérieures.
- Ramasser le mercure avec une pelle et une balayette (l’idéal serait d’utiliser un petit aspirateur manuel, spécifique, pour le collecter) et le placer dans un bocal hermétiquement fermé.
- Apporter le bocal contenant le mercure au service d’hygiène de la mairie ou à une pharmacie. (Ne pas jeter de mercure dans les toilettes ou à la poubelle).
- Enlever et jeter les revêtements contaminés par contact avec le mercure : tapis, moquette, tissus, etc., ainsi que tout ce qui a pu être en contact avec le mercure : balayette, pelle, habits, jouets, etc.
- Ne pas garder l’aspirateur domestique s’il a été utilisé ou le mettre dans un local très ventilé et non habité.
- Acheter de la fleur de soufre (jardineries ou pharmacies) et en saupoudrer les endroits difficilement accessibles (fentes de parquet etc.) : le mercure ne sera neutralisé que s’il est en contact avec le soufre ; laisser agir 24 h puis aspirer avec un petit aspirateur jetable (poire manuelle…).
- Ventiler les locaux après nettoyage. Cette ventilation doit absolument se faire en partie basse car le mercure est un métal lourd (ouvrir une fenêtre n’est pas efficace).
- Contrôler si possible avec un appareil de mesure de vapeurs de mercure (appareil Jerome).
- Fiche Mercure de L'Institut National de Recherche et Sécurité (INRS)
Fiche mercure INRS
- Fiche Mercure de L'Institut National de l'Environnement et des Risques (INERIS)
Fiche mercure Ineris
- Classification CMR (Cancérogène, Mutagène Reprotoxique) du mercure
Mercure substance CMR
- Intoxication : Accident à l'hôpital de Flers
Intoxication à l'hôpital de Flers
- Intoxication d'un enfant : Thermomètre
Intoxication d'un enfant par un thermomètre