Qui ne connaît pas la vérité n’est qu’un ignorant ;
mais qui, la connaissant, la dissimule, celui-là est un criminel !
Bertolt Brecht
Le 31 août 2005, le Docteur Jean-Jacques Melet, fondateur de l’association NAMD, s’est suicidé à l’âge de 57 ans, mettant ainsi fin à son combat sur un problème majeur de santé publique : l’utilisation de mercure et d’autres métaux toxiques dans les soins dentaires.
Vie et mort d'un lanceur d'alerte
Un engagement précoce en médecine environnementale
Pendant une dizaine d’années au département de santé publique de Nancy, le Dr Melet développe sa pratique de l’épidémiologie au travers d’enquêtes liées à des intoxications environnementales (plomb, nitrates, fluor, etc.), pour le compte de la DDASS et d’autres organismes.
A partir de 1986, il s’installe ensuite dans les environs de Montpellier et décide de se consacrer à la médecine environnementale, ainsi qu’au suivi d’enfants handicapés (trisomie 21, autisme, …).
Premiers démêlés avec l’Ordre des médecins
Très vite, en 1987, il a alors 39 ans, il est l’objet d’une plainte du Conseil Départemental de l’Ordre des médecins (CDOM) : il lui est reproché de « mettre en œuvre la rééducation d’enfants handicapés [...] par une méthode basée sur le rôle que peuvent jouer les stimuli externes dans la maturation des fonctions cérébrales ». Jean-Jacques Melet obtenait pourtant des résultats remarquables : un livre récent, écrit par la mère d’un enfant trisomique suivi par le Dr Melet dès l’âge de 2 ans, en apporte le témoignage (Nicole LACROIX.
Sa place est dans la vie, Editions Josette Lyon, 2005 ; p73-85)
Le Conseil Régional de l’Ordre des médecins (CROM) le condamne à un mois d’interdiction d’exercer, sanction annulée en appel par le Conseil National de l’Ordre. C’est un camouflet pour le Conseil de l’Ordre des médecins de l’Hérault, que le Dr Melet retrouvera quelques années plus tard sur son chemin.
Les amalgames soupçonnés
Dans sa pratique médicale, Jean-Jacques Melet réalise avec les patients des bilans épidémiologiques très poussés pour inventorier tous les facteurs étiologiques possibles à l’origine de leurs pathologies. Le facteur amalgames dentaires revenant très souvent, il décide d’approfondir le sujet par des recherches bibliographiques. Il constate avec stupeur l’absence de tests de toxicité (génotoxicité, cancérogénicité, tératogénicité, etc.) pour les matériaux dentaires dont les amalgames, composés pour 50% de mercure ! Il réalise aussi que les autorités dentaires minimisent ce problème et désinforment les praticiens en parlant de « quantités infinitésimales de mercure relarguées par les amalgames », en majorant considérablement l’apport mercuriel du poisson et en minorant le résultat de certaines études importantes.
A partir de ce moment, le Dr Melet déploie toute son énergie dans deux directions : diagnostiquer chez ses patients une possible intoxication à divers métaux lourds grâce à des analyses appropriées et engager leur détoxication ; alerter les autorités sanitaires afin de mettre un terme à ce fléau.
Nouvelle attaque du Conseil de l’Ordre
Des articles parus dans Sciences et Vie en septembre 1996 puis dans Que Choisir en février 1997, dans lesquels Jean-Jacques Melet s’exprime sur ce sujet, déclenchent à nouveau les foudres d’un conseil départemental de l’Ordre des médecins. Le Dr Melet est cette fois attaqué, en 1997, pour "charlatanisme, médecine foraine, ordonnances non conformes et méthodes dangereuses non éprouvées" !
Il est alors encore condamné par le CROM à un an d’interdiction, mais en appel l’Ordre national des médecins, après un procès éprouvant, ne pourra faire autrement qu’annuler à nouveau tous les chefs d’accusation : des personnalités ont apporté entre-temps leur caution scientifique au travail d’épidémiologiste du Dr Melet. Par exemple, une sommité en épidémiologie, Directeur d’une Ecole de Santé Publique, lui écrit (avril 1998) : « Ce problème [ de la toxicité du mercure dentaire] mériterait un véritable débat public et je suis étonné qu’un certain nombre d’instances professionnelles, médicales ou odontologiques, cherche à l’étouffer. Ce fait constitue, pour moi, un argument de plus quant à la réalité du problème, car il n’y aurait aucune raison de vouloir étouffer ou discréditer un problème inexistant ». Malgré ces soutiens, le Dr Melet est cependant condamné à une interdiction d’exercer pendant 15 jours, sans qu’une justification en soit apportée. Cette condamnation le poursuivra et permettra désormais à tout détracteur de l’utiliser, sans que le Dr Melet ait les moyens de s’en défendre.
Un dommage irréparable est ainsi commis contre ce médecin intègre qui ne s’en remettra jamais, tenu informé de plus qu’il est régulièrement l’objet de calomnies visant à dissuader les patients de venir le consulter.
L’alerte faite auprès des autorités sanitaires
Entre 2000 et 2002, des patients adhérents de l’association Non au Mercure Dentaire effectuent auprès de l’Afssaps des signalements d’incidents mettant en cause leurs amalgames. Ces signalements, pourtant obligatoires dans la loi française, feront l’objet d’un commentaire désobligeant devant un public de dentistes lors du congrès de l’Association Dentaire Française de novembre 2002 : le professeur Michel Goldberg (dentiste expert de la commission de matério-vigilance à l’Afssaps), déclare que ces signalements n'ont pas de valeur car ils émanent de personnes "sectaires", et ont été faits sous la dictée de « ce bon Dr Melet ».
La main faussement tendue de l’Afssaps
Lorsqu’un an plus tard, l’Afssaps propose au Dr Melet de contribuer à la mise en place d’un groupe de travail sur l’amalgame, il accepte et constitue une liste de 24 noms dont 13 experts internationaux spécialistes auteurs de publications dans le domaine du mercure et/ou de l’amalgame, mais aucun expert étranger ne pourra contribuer à cette expertise française. Le Dr Melet comprendra rapidement qu’il a été le jeu d’une parodie de collaboration. Un an plus tard (décembre 2003), il est abasourdi par les conclusions orales du groupe de l’Afssaps, niant tout risque d’intoxication lié au mercure de l’amalgame. Il constate que de nombreuses études incontournables ont été ignorées. Le rapport final du groupe d’experts de l’Afssaps ne sera publié qu’en octobre 2005, deux mois après le décès du Dr Melet.
Des patients sous influence ?
En 2003, un patient du Dr Melet demande le remboursement des honoraires versés (correspondant à 45 € de l’heure), lui reprochant l’absence d’amélioration de son état. Dans sa lettre, ce patient évoque un article du code de déontologie médicale. Interrogé au téléphone par le Dr Melet, le patient ne connaît visiblement pas cet article, ce qui fait soupçonner au médecin que cet argument lui a été "soufflé" par des personnes bien informées. Le patient porte plainte et le Dr Melet, emmené entre deux gendarmes, est gardé à vue pendant quatre heures très éprouvantes : il n’a pas accès à son dossier (il entrevoit quand même un document à l’entête du Conseil de l’Ordre), et est traité par le gendarme qui l’interroge comme un vulgaire escroc. Il ne se remettra jamais de cette nouvelle humiliation.
L’enfer sur terre
Pendant les deux années qui suivent, il n’aspire qu’à avoir un peu de paix mais vit dans l’angoisse permanente d’une nouvelle plainte de l’Ordre. Sa vie est devenue un enfer, dit-il. Il ne dort quasiment plus et s’amaigrit, et dit souvent à ses proches : « L’Ordre des médecins est une machine à broyer les hommes… ».
Le 31 août au petit matin, il sort sans bruit de la maison familiale et se rend dans un petit bois. Un promeneur découvrira son corps quelques heures plus tard.
Dans une lettre trouvée après son suicide, Jean-Jacques Melet évoque les procès destructeurs de l’Ordre et la plainte du patient.
Hommage paru dans le journal Le Monde (11/09/2005)
L’association a voulu rendre hommage à son fondateur en faisant paraître un texte signé de ses amis et compagnons de route : éminents chercheurs en santé publique et en toxicochimie, lanceurs d’alerte, journalistes scientifiques :
«
Lanceur d’alerte » s’il en est, Jean-Jacques Melet est le premier en France à avoir alerté sur les dangers du mercure des amalgames dentaires. Cela lui a valu humiliations et manœuvres d’intimidation de la part des autorités médicales et dentaires, comme nombre de ses collègues européens ou américains avec qui il entretenait des relations étroites. Sans jamais baisser les bras, il a consacré ces quinze dernières années à étudier le cas de centaines de patients et à les traiter pour des pathologies liées à une intoxication mercurielle. Un combat qui semble commencer à porter ses fruits, à l’heure où certains Etats européens font pression sur la Commission pour que des mesures législatives interdisent l'utilisation des « plombages.La Santé Publique a perdu l’un de ses plus ardents défenseurs. ».
Message prononcé à Tallin, lors du congrès sur « Les pathologies liées aux métaux lourds », le 31 août 2007 :
Le Dr Melet était épidémiologiste et était surtout le lanceur d’alerte français sur le problème sanitaire du mercure dentaire. Pendant 15 ans, il a tenté d’alerter les autorités sanitaires sur la toxicité des métaux dentaires, tout en soignant plus de 1000 patients intoxiqués. Cela lui a valu d’être traîné devant un tribunal d’exception (celui de l’Ordre des médecins), et d’être traité de charlatan, de gourou,.. Il y a 2 ans, il a choisi de quitter ce monde de fous, où on peut en toute impunité empoisonner des millions de personnes avec des produits de santé toxiques mais, si on dénonce cela, être mis au ban de la société. N’oublions pas le Dr Melet, et essayons de poursuivre son combat pour la santé humaine .
Marie Grosman, conseillère scientifique de l’association
"
Une vie plombée"- Article d’Ingrid Merckx paru dans
Politis du 20/10/2005
Médecin épidémiologiste, Jean-Jacques Melet s’est battu pour faire reconnaître la toxicité des amalgames dentaires au mercure.
Son combat l’a tué.
En savoir plus L'avis est paru dans Le Monde daté du 11 septembre. Le 31 août, le docteur Melet a mis fin à ses jours. D'après ses proches et les scientifiques qui l'ont soutenu, c'est son combat qui l'a tué. « « Lanceur d'alerte » s'il en est, Jean-Jacques Melet est le premier en France à avoir alerté sur les dangers du mercure dans les amalgames dentaires, précise l'avis. Ce qui lui a valu humiliations et manœuvres d'intimidation de la part des autorités médicales et de nombre de ses collègues. Pour certains, il fut un défenseur de la santé publique. Mais pour d'autres, plus nombreux et surtout plus puissants, un « fantaisiste », ou un adversaire. Ils ont rendu la vie impossible.
« La toxicité du mercure étant connue depuis l'antiquité, on peut légitimement s’étonner de la présence en grande quantité de ce métal dans la bouche de centaine de millions de personne par le monde, puisqu’il est utilisé par les amalgames depuis plus de 150 ans », déclarait Jean-Jacques Melet devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en 2000. Il évoquait, entre autres, un lien entre l'absorption de mercure relargué par les plombages dentaires et les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, des scléroses, des maladies auto-immunes, etc.
Diplômé de médecine à Paris, le docteur Melet étudie les amalgames dentaires dans les années 1980, puis exerce, à partir de 1986, en tant qu’épidémiologiste à Montpellier, où il étudie le cas de centaines de patients qu'il traite pour des pathologies liées à une intoxication mercurielle. Par deux fois, en 1987 et en 1997, il est attaqué par l'Ordre des médecins de l'Hérault, pour « charlatanisme, médecine foraine, ordonnances non conformes et méthodes dangereuses non éprouvées ». En 1999, l'Ordre national des médecins annule tous les griefs mais le docteur Melet vivait dans l'angoisse d'une interdiction d'exercer. Une plainte de patient et une garde à vue en rajoutent à des années de dénigrement et d'isolement professionnel. Cet été, il avait annoncé qu'il cesserait son activité le 1er septembre. Il avait cinquante-sept ans.
« Tous ceux qui travaillent sur des phénomènes récemment connus sont agressés, ridiculisés, dénonce Jean-Pierre Deschamps, ancien directeur de la Société française de santé publique. Ce fut le cas des médecins qui ont alerté sur le saturnisme il y a trente ans. Jean-Jacques Melet avait des pratiques hors-normes, mais il ne s'est jamais vu opposer d'argument scientifique. » « Son combat est juste », martèle André Picot qui estime que Jean-Jacques Melet a été mis au ban de la médecine pour avoir défié l'ordre établi dans un pays où personne ne s'intéresse à la toxicité. Toxicochimiste, il s'offusque de l'absence d'études épidémiologiques en France sur le mercure dentaire alors que des pays comme la Suède, l'Allemagne, le Canada, la Norvège et l'Australie, ont défini des politiques publiques restreignant la pose d’amalgames dès 1990. Née en 1998, l'association Non au mercure dentaire dresse une liste des raisons de blocages en France. Elles vont des intérêts financiers des fabricants d'amalgames aux craintes des institutions redoutant le dédommagement de plaignants en passant par la différence de traitement entre les produits dentaires et les médicaments. Les efforts de Jean-Jacques Melet ont quand même porté des fruits. Si les remous déclenchés dans les médias en 1996 sont retombés, des parlementaires, dont André Aschieri et Noël Mamère, se sont emparés de la question en 1997. Ministre de la santé à l'époque, Bernard Kouchner a mis en place un groupe de réflexion au sein du Conseil supérieur d'hygiène publique de France. Aujourd'hui, Non au mercure dentaire réclame le respect des recommandations émises par cette instance : pas d'amalgame chez la femme enceinte et allaitante ni chez les sujets de 0 à 25 ans, utilisation d'une digue et d'un aspirateur chirurgical lors des travaux dentaires, mise en place de tests de toxicité...
Faudrait-il abolir complètement ces amalgames ? « Si tout le monde courrait se faire remplacer ses plombages dans n'importe quelle condition, ce pourrait être dangereux », prévient Marie Grosman qui a travaillé avec Jean-Jacques Melet dans le cadre d'un diplôme universitaire sur ces questions….. »
Ingrid Merckx
Hommage de l’IAOMT "Merci Docteur Melet"
"Le docteur Jean-Jacques Melet, médecin épidémiologiste français, dénonçait depuis plusieurs années le danger des amalgames au mercure dentaire. En tant que directeur scientifique du regroupement «Non au mercure dentaire» en France, Le docteur Melet avait traité plusieurs patients et avait compilé plusieurs études de cas afin de les faire parvenir au gouvernement français.
Tout comme en Amérique du Nord, ces avertissements et ces mises en garde sont tombées dans les oreilles d'un sourd. Il a été l'objet de calomnies et de plusieurs coups bas à travers les années.
Le docteur Melet a été retrouvé sans vie dans un bois près de sa résidence dans la région du Gard au début septembre.
Le mouvement anti-mercure a perdu un de ses grands leaders. Nous souhaitons que Mme Marie Grosman ainsi que les autres bénévoles de l'organisation «Non au mercure dentaire» sauront rallier leurs forces et poursuivre leur mission importante malgré le décès de leur leader estimé" Pierre Larose, Président de l'IAOMT.